Minute Mind©
Le conseil en créativité s’intéresse aux entreprises à l’exclusion des particuliers. Quelles sont les raisons de cet état de fait ? Au travers une expérience de créativité destinée au grand public, je vous propose une réflexion sur une réserve potentielle de business encore inexploitée de notre métier.
Le premier élément qui vient à l’esprit concerne l’aspect financier lié au conseil aux particuliers. Comment faire payer un accompagnement à l’idée ? Quel particulier serait en effet prêt à payer en 2010 pour un accompagnement créatif ? Les idéateurs sont pourtant souvent sollicités par leur entourage pour trouver des idées dans les divers domaines personnels (thématique festive originale, chanson écrite pour une célébration, recherche de nom d’association…). Il y a donc un besoin qui ne dit pas son nom. Le conseil aux particuliers dans tous les autres univers (médical, juridique, psycho, coaching…) est par ailleurs accepté et rémunéré sans aucune remise en cause de principe.
Une collègue organise néanmoins chaque semaine des réunions ouvertes aux particuliers. Mais les « cafés créa » de Catherine Dzierwuk relèvent plus de l’échange groupal que du suivi individuel ; d’autre part on pourrait qualifier ces rencontres de militantes, une participation de 7€ étant demandée par séance.
Le deuxième point de difficulté est le risque financier du consultant : comment compenser un tarif journée moyen de conseil à 1500 euros par des micro-consultations ? Si on partait du principe d’une consultation à 35 euros, il faudrait en enchaîner 42 par jour… Il nous faut donc sortir du paradigme propre au consultant revenu/jour, et tenter de parvenir à lisser les revenus sur une durée mensuelle. Sur une profession qui dans l’esprit de nos concitoyens n’existe pas, cela relève du challenge économique !
Au début de l’été 2009, en cette année européenne de la créativité et de l’innovation, j’ai voulu tenter une expérience dans la ville d’Arles (où je réside) durant les rencontres photographiques. Pendant une semaine, et à raison de trois heures par jour, j’ai posé mes post-it dans un magasin de décoration haut de gamme du centre-ville.
Installé sur des tabourets de bar, entouré d’images, de jouets et de post-it, l’espace dédié à mon activité était de 3 mètres carrés.
L’affiche annonçait « Minute Mind, créativité gratuite pour tous ». Dans un premier temps, je n’ai pas souhaité, pour des raisons logistiques, tenter d’inclure une dimension financière. J’étais en effet accueilli de façon gracieuse par le gérant du point de vente. Ayant réussi à le convaincre après plusieurs tentatives d’oser l’expérience, il m’a semblé plus simple de ne pas inclure un trouble possible dans notre primo relation…
J’étais dans l’inconnu, qui allait être attiré par mon affiche ? Qui allait se présenter et quelle recherche créative devrais-je imaginer ? Après des sourires timides, il m’a fallu interpeler franchement mon premier « client ». Laurence souhaite ouvrir un bar à siestes à Paris. Il lui manque un nom… une carte mentale et 10 minutes plus tard, nous voyons émerger « les tontons siesteurs », nom disponible qui lui plait beaucoup ! Les clients suivants étaient aussi variés que les milliers de visiteurs des rencontres photo. En vrac, une photographe qui cherchait un concept de présentation pour son travail consacré à une prostituée, une ado qui voulait trouver une idée cadeau originale et no-budget pour les 50 ans de ses parents, un romancier cherchant un personnage attachant et original… En une semaine, quinze personnes ont fait l’expérience de la créativité minute (dont les vendeurs du magasin). J’ai donc souvent attendu le chaland… La publication d’un petit article dans l’édition locale de La Provence, n’a pas non plus déclenché de raz de marée !
Concernant l’expérience elle-même, à chaque fois et en moins de 15 minutes, nous avons trouvé lors des face à face créatifs des pistes sérieuses ou des idées bien ficelées. Les techniques utilisées étaient principalement des techniques de détour projectives (images, identification à des personnages…). L’objectif de ces séances était de focaliser l’attention et l’imaginaire du « problem owner » sur la phase d’idéation.
Mon profil d’idéateur correspondait parfaitement à ce double travail de facilitation expresse et de génération d’idées. On peut dont imaginer que des idéateurs formés à la facilitation créative pourraient remplir ce type de mission.
L’étape suivant de la réflexion porte sur l’application à grande échelle de ce service. Malgré plusieurs tentatives, les responsables de l’événementiel du concept store parisien Merci n’ont pas donné suite à ma proposition. La mise en place était identique, la gratuité compensée par le carnet d’adresse potentiel des clients satisfaits et les éventuelles retombées presse…
Les responsables de la communication des magasins Habitat également n’ont pas estimé que ce projet « correspondait à leur image ». Sans abandonner définitivement, je ne peux pas pour l’instant consacrer trop de temps à essayer d’ouvrir toutes les portes des espaces créatifs parisiens pour y installer des consultations créatives.
Malgré les refus1, je reste convaincu que cette expérience arlésienne est un début encourageant pour offrir une visibilité plus large à l’aspect le plus médiatisable de notre profession, la naissance des idées. Une deuxième version de « Minute Mind », plus virtuelle celle-ci, est en cours d’élaboration… à suivre !
Rémi SABOURAUD
Conseil et formation à la créativité, Goût d’idées
- Néanmoins, si l’un de vous a les connexions permettant de franchir les premières réticences des responsables d’une structure, je suis preneur. ↩︎