Henri Le Libéral, comte de Champagne : un processus créatif en 1160, dédié aux besoins du client !
Existe-t-il des passerelles entre le processus créatif, les notions clés de « pensée divergente et de pensée convergente » et le parcours d’un aristocrate, vivant en 1160 aux confins de l’Ile de France, créateur de réseaux d’échanges commerciaux, leader mondial pendant 200 ans ? En partant d’une problématique connue en entreprise, « Comment faire évoluer avec pertinence sa relation client? », nous utilisons le principe de l’analogie, c’est-à-dire le raisonnement à partir de causes parallèles, en y cherchant les points de ressemblance et de différenciation.
Ce principe de décadrage, de décentrage permet un regard différent sur son questionnement. Rien de nouveau, à une différence prêt !
L’analogie sera ici expérimentée physiquement au travers d’une histoire humaine, incarnée dans un lieu. Les participants, acteurs en entreprise en 2011 découvrent « in situ » (dans la ville de Provins en Seine et Marne) le processus créatif d’un homme visionnaire et constructif, défiant en 1160 les contraintes majeures d’isolement en mettant au cœur de son dispositif, l’écoute et la connaissance de son client !
Partons à la découverte de cette fabuleuse histoire, créative !
Henri Le Libéral, comte de Champagne, aurait pu mener la vie conforme de tout aristocrate en cette fin du XIIème siècle : une vie faite d’obligations (la fidélité au roi de France, l’implication dans les conflits territoriaux) et de plaisirs (chasse, fauconnerie). A 20 ans, ce jeune Henri doit suivre son père sur le difficile chemin des Croisades. Il porte un regard différent sur ces croisades : il découvre le roi Saladin et la variété des échanges culturels et commerciaux qu’il a su tisser, socle d’une incroyable vitalité économique territoriale. Il utilise tous ses « sens » pour capter, comprendre et ressentir, les bases de ce qu’il considère une réussite complète : qualité culturelle des échanges, plate-forme commerciale de produits de luxe..
De retour à Provins, il s’autorisera à explorer toutes les possibilités, toutes les options imaginables pour créer autour de cette ville un rayonnement identique à ce qu’il a vu au Moyen Orient. Alors que le leadership commercial est détenu par Anvers et Bruges, Henri Le Libéral va mener une analyse géostratégique du marché et constater qu’un créneau reste à prendre : le commerce de longue distance des produits de luxe.
Il va créer une plate forme d’échanges à Provins, autour d’un évènement qu’il met en place : les foires de Champagne réservées aux riches marchands européens, spécialisés dans le commerce des produits de luxe : épices, draps, pierres précieuses. Alors que rien ne prédisposait Provins à devenir un carrefour commercial, Henri Le Libéral tire parti de son territoire, ajuste celui-ci aux besoins de sa cible commerciale dont il analyse finement les besoins. Ainsi, il constate qu’au XIIème siècle, le service au client se caractérise par :
- La capacité à sécuriser le transport des marchandises
- L’offre multiservices pour les marchands sur un même lieu
- Une standardisation des contrats pour faciliter la conclusion des affaires commerciales
- Un réseau de villes « modélisées et adaptées « aux besoins du client
Il va développer sur place une série de compétences qu’il juge indispensable pour stimuler les échanges commerciaux : services bancaires, administratifs, judiciaires, évènements culturels et littéraires inédits.
Il stimule son équipe pour faire preuve de créativité en imaginant de nouveaux services : en quelques années, les clients ne transporteront plus leurs marchandises, celles-ci étant préparées, conçues sur place. Un système performant d’écoles de formation fût institué en partenariat avec les clients étrangers, permettant, par exemple, de tisser le lin sur place, de teindre les fibres et de monter ainsi une filière textile à Provins.
Développant une vision partagée de son territoire, il convainc les autres comtes de s’associer à son entreprise, en développant un réseau de foires avec des spécificités : chaque ville sera spécialisée dans un type de commerce : épices, textile, etc. Si cet étonnant comte de Champagne a su « sortir de son cadre d’origine » et piloter une innovation économique, il sera soucieux de préserver un équilibre politique avec les forces en présence : la royauté et le clergé, préservant ainsi l’essentiel : sa liberté d’entreprendre ! A partir de cette histoire, quelles transpositions les hommes et femmes d’entreprise peuvent-ils imaginer dans leur quotidien pour revisiter leur relation client, revoir leurs pratiques, sortir des sentiers battus et innover ?
De son XIIème siècle, Henri Le Libéral nous donne quelques conseils :
- Regarder, observer ce qui se fait de mieux sur le marché… pour s’en inspirer (en d’autres termes, pratiquer astucieusement, la pensée divergente !)
- Reformuler clairement son défi et explorer toutes les types de solutions ! (tiens-donc, première étape du CPS ?)
- Ne pas avoir peur d’aller vers d’autres métiers dés lors que c’est en phase avec le besoin du client
- Savoir tirer parti des contraintes pour en faire des spécificités
- Relier en permanence les hommes, les compétences au projet et à son développement : savoir transmettre le sens de tout développement
- Combiner modélisation au profit de la simplicité sans perdre de vue l’objectif d’écoute et d’adaptation du client
- Oser sortir de sa sphère classique de compétences pour aborder un marché et adapter son produit.
A la lumière de l’expérience, cette analogie expérientielle reliant les hommes du passé et ceux de 2012 permet :
- De connecter la dimension conceptuelle à la dimension émotionnelle (l’immersion dans les lieux réactive des ressorts émotionnels permettant l’accès aux ressources de chacun !)
- D’incarner les notions clés de la créativité dans un exemple concret et percutant
- De donner du sens à la problématique traitée
- De renouveler l’envie d’agir
Eclairer des thématiques actuelles avec la puissance d’une histoire passée offre des espaces nouveaux de créativité à explorer ! 5000 ans d’Histoires Humaines : de quoi renouveler nos thèmes, nos pratiques et nos approches !
Anne Vermès
Fondatrice et dirigeante de Traits d’Unions