Un livre incontournable pour quiconque s’intéresse à l’innovation et la créativité, tant Apple et Steve Jobs ont révolutionné de nombreux secteurs de l’industrie !

Je vous livre ici quelques étonnements et réflexions, suite à la lecture du livre de Walter Isaacson qui propose une biographie de Steve Jobs. Ce livre est incontournable pour quiconque s’intéresse à l’innovation et la créativité, tant Apple et Steve Jobs ont révolutionné de nombreux secteurs de l’industrie !

« Pavé » de plus de 600 pages, extrêmement bien documenté, avec une écriture et une traduction à mon sens plutôt bien faites, ce livre nous fait vivre la saga de Steve jobs comme si nous étions dans un film. Il est d’ailleurs fort à parier qu’un film, un peu à l’image de The Social Network, ne tardera pas à sortir ! Cette biographie très riche croise de nombreuses sources, et propose des informations solides.

Une traversée de l’histoire de la micro-informatique : la genèse des films en images de synthèse, et la Saga Apple.

Le livre nous plonge dans l’histoire de la micro-informatique, une histoire passionnante pourun quarantenaire comme moi, ayant été bercé par l’apparition d’ordinateurs comme l’Apple de Macintosh et autres Commodore.

On y découvre l’importance de l’écosystème dans lequel se trouve un innovateur potentiel.En effet, Steve Jobs est né et a été éduqué dans la Silicon Valley, entouré d’ingénieurs un peu partout dans son voisinage ; et c’est bien là que cela se passait, c’est là que la possibilité de transformer le silicium en or a émergé !

On y découvre aussi l’extraordinaire saga industrielle Apple : le démarrage de l’Apple I puis de l’Apple II ; la bataille interne entre les équipes de Lisa et de Macintosh ; l’éviction de SteveJobs et sa parenthèse NeXT ; puis son retour et les années d’état de grâce lorsqu’il remonte Apple, avec l’iMac ; les Apple Stores ; l’iPod ; l’iPhone ; l’iPad…

Et en parallèle, on (re)découvre le superbe succès des studios Pixar, dont Steve Jobs est l’un des grands artisans.

Une vie personnelle digne d’un roman…

Côté coulisses, la vie de Steve Jobs a une dimension romanesque certaine : adopté peu après sa naissance, il a une vie familiale compliquée, niant d’abord sa paternité, puis ce sera les retrouvailles tardives avec sa fille, mais aussi avec sa sœur biologique.

On apprend également ses amours avec Joan Baez, de 14 ans son aînée. On est fasciné par cette relation étrange, et la rivalité entretenue avec Bill Gates,
collaborateur de la première heure, puisqu’il y a un peu de Microsoft dans l’Apple II… Steve Jobs et Bill Gates ne cesseront de se croiser, s’insulter, se détester, mais au final se respecter.

Un moment surréaliste raconté dans le livre : Bill Gates rend visite à Steve Jobs chez lui, après son retrait d’Apple, pour une ultime discussion. Il entre par la porte de la cuisine qui est ouverte (Jobs refuse d’avoir des gardes du corps). L’un des enfants de Steve Jobs est là ; il ne se retourne même pas ; il pointe un doigt en direction de la chambre de son père. Bill Gates entre et s’assoit au pied du lit de Steve Jobs, pour discuter et refaire le monde…

Steve Jobs : un tyran fascinant

Lors de son retour chez Apple, on arrive à sentir le climat, mais aussi l’incroyable état de grâce de Steve Jobs, qui réussit la prouesse extraordinaire de passer des microprocesseurs Motorola à Intel, ce que les ingénieurs d’Apple ont fait en moins de six mois. Et dernièrement, l’intégration, dans les iPhone 4 et iPad, de puces désignées en interne par Apple, pour remplacer les microprocesseurs Intel.

… Une prouesse extraordinaire, qui montre à quel point Jobs et ses équipes étaient capables de maîtriser l’ensemble de la chaîne de fabrication, de manière intégrée, avec un brio qu’aucune autre société aujourd’hui ne peut égaler.

Cette biographie apporte bel et bien un regard romanesque, mais certaines vérités et faits décrits sont difficiles à lire.
Certes, Jobs a su créer une magnifique entreprise et révolutionner quatre secteurs majeurs de l’industrie, que sont l’informatique, la téléphonie, la musique, et le cinéma.

Mais on ne peut rester insensible aux terribles descriptions de la personnalité du génie, de ses facettes humaines – ou plutôt inhumaines – absolument insoutenables. J’imagine la difficulté pour Walter Isaacson, à mesure des entretiens qu’il a pu faire, d’entendre, de dire et d’écrire la vérité sans juger… Jobs souhaitait que cette biographie soit réalisée (il l’a demandée à Isaacson), et ne souhaitait pas la relire. Alors, effectivement, il n’y a pas de censure. On apprend comment il a abandonné sa fille, on découvre les humiliations quotidiennes qu’il fit subir à ses proches, à ses collaborateurs ; on perçoit son égoïsme, sa totale incapacité d’empathie, son hygiène douteuse dans sa jeunesse, sa puissance de manipulation, sa mauvaise foi permanente, son pouvoir de destruction des autres… et la liste pourrait être plus longue.

Oui, Jobs est un génie hors du commun, comme l’humanité n’en a connu que quelques-uns. Mais hélas, ses qualités humaines, même si je me cantonne à celles qu’il a montrées dans vie professionnelle, sont absolument déplorables. Comme il le disait lui-même à la fin de sa vie : « ils [les gens qui liront le livre] vont dire que je suis un connard ».

Quels enseignements pour l’innovation et la créativité ?

Alors qu’est-ce que ce livre peut nous apprendre en matière d’innovation et de créativité ? Force est de constater que quelque chose a très bien fonctionné chez Apple. Innover à répétition pendant tant d’années n’est pas le fruit du hasard. Alors si l’on oublie les aspects négatifs du personnage, quelles leçons peut-on tirer ? Quels préceptes retenir de Steve Jobs ?

  • Croire en ses rêves, imaginer que l’on peut changer le monde, écouter son cœur et son intuition ; faire ce que l’on aime, ce pour quoi on sent que l’on est fait au fond de soi…
  • Savoir faire travailler les meilleurs, décloisonner les univers, les modes de pensée. L’extraordinaire rencontre entre Steve Jobs (le hippie féru de culture zen, marchant pieds nus et ne mangeant que des pommes des semaines durant), et Steve Wozniak (un gentil nerd), est un magnifique exemple de décloisonnement extrêmement productif.
  • Faire le lien entre l’art et la technologie (comme a su le faire Apple en appliquant les codes de la culture zen à la micro-informatique).
  • Ne jamais laisser la médiocrité s’installer dans le quotidien de ses équipes (sans tomber dans les excès de Jobs, pour qui il y avait les nuls d’un côté et les bons de l’autre).
  • Refuser les concessions et se battre pour son idéal, quitte à se faire mettre dehors, ou à mettre son conseil d’administration dehors !!!
  • S’appuyer sur les meilleurs fournisseurs et conseillers au monde, croiser les savoir-faire… C’est par exemple en dépensant des fortunes pour la décoration de ses bureaux NeXT, que Jobs se fait la main : il dépose des brevets pour les marches de son escalier en verre, qui lui serviront plus tard dans le cadre de ses Apple Stores.
  • S’entourer des meilleurs dans tous les domaines… Ainsi, lorsque Steve Jobs porte un pull à col roulé pendant plus de 20 ans, ce n’est pas n’importe quel pull, c’est un vêtement dessiné par son ami Issey Miyake. Ainsi, lorsqu’il revient chez Apple, il renvoie tout le conseil d’administration et en crée un nouveau, composé des plus grands industriels et visionnaires américains dans tous les domaines : Eric Schmidt (PDG de Google), Larry Ellison (PDG de Oracle), ou encore les PDG de GAP, d’Avon… Et aussi Al Gore ; des hommes qu’il a choisis, des entrepreneurs, qui, de son propre aveu, l’ont conseillé, ont enrichi sa réflexion et les actions qu’il mettait en place chez Apple.
  • Savoir prendre des virages rapides.
  • Simplifier tout dès que c’est possible.
  • Avoir un vrai sens tactique, juridique, et financier.
  • Vendre aussi la facette émotionnelle de la technologie, et pas uniquement la technologie ; marketer avec sa passion, ses tripes…
  • Et pour finir, chercher le beau, dans sa dimension fédératrice et harmonieuse, au-delà du design…

Conclusion

Pour conclure mes remarques et étonnements, je dirais que l’innovation façon Apple est extrêmement inspirante. Les préceptes qui nous sont livrés constituent certainement un chemin que le luxe devra intégrer pour se renouveler ; je pense en particulier à la haute joaillerie, la haute horlogerie, la haute couture, ou encore les marques de luxe en cosmétique et dans l’automobile.

Dans une moindre mesure, les industries grand public peuvent également y puiser des enseignements : elles ont certainement le devoir d’intégrer le beau, le bon et le vrai dans leurs produits – en tenant compte des contraintes de production – afin de séduire de durable leurs consommateurs.

Le principal écueil auquel s’est heurtée cette entreprise, à mes yeux, tient à la personnalité de Steve Jobs : un tyran aux méthodes d’une rare violence, incapable de faire travailler ses équipes dans la joie et la bonne humeur, dépourvu de respect à leur égard. Steve Wozniak en parle très bien : c’est le principal reproche qu’il lui adresse, le point de discordance entre les deux hommes… Il pensait réellement que Steve Jobs aurait pu réaliser tout cela sans rendre tous les gens malheureux autour de lui.

Ce n’est pas sans une certaine colère et de la crainte que j’ai refermé ce livre. Oui, Apple et Steve Jobs ont révolutionné l’industrie, ont gagné de l’argent comme aucune autre entreprise ne l’a jamais fait dans l’histoire de l’humanité… Et cela avec un soleil noir aux commandes ! Alors j’imagine les batteries de chefaillons – de petits chefs -, les petits tyrans qui se sentiront confortés dans leur position… Mais parmi eux, très peu sont des génies, et quand bien même ils en seraient, cela reste inexcusable et intolérable.

Je reste persuadé que l’avenir se construira avec des entreprises qui réussiront à renouveler les codes du beau, du bon et du vrai dans leurs offres, en s’appuyant sur des modes de management alignés, à l’image des valeurs qu’ils veulent transmettre. La volonté de trouver du sens à travers sa consommation, d’être de plus en plus acteur, d’appartenir à une communauté de marque, va certainement révolutionner les types de management de demain, et privilégier des équipes avec des leaders inspirants et alignés. La créativité et l’innovation ne s’en porteront que mieux.

Stéphane ELY

Conseil en innovation créative et stratégie de marque.