Des solutions simples, à moindre coût, systémiques, venant du terrain, basées sur la confiance : l’innovation participative déjà pratiquée dans les organisations ouvre sur l’innovation citoyenne et durable.

Antoine HÉRON

Animateur de l’innovation participative chez Renault, de 1990 à 2005; co-fondateur d’Innov’acteurs (2003), puis fondateur et président de ICDD : Innovation Citoyenne et Développement Durable, de 2011 à ce jour ; concepteur et organisateur des « Rencontres annuelles de l’Innovation Citoyenne » depuis 2011.

D’où vient l’innovation participative ?

Elle née de deux mouvements convergents apparus dans le milieu des années 80 :
un mouvement orienté innovation qui vient« d’en bas » (la Poste, l’Armée de l’Air) et un autre axé sur la participation des salariés pour recueillir les idées du personnel « avez-vous des idées ? » « si vous pensez qu’on peut faire mieux dites-le nous ».

Cette innovation vient du terrain : c’est le cas par exemple d’un nouveau système de freinage du TGV repensé par des ouvriers et étendu à tous les matériels roulants.
Elle laisse la place à l’imprévu ; comme l’ont écrit Stern et Robinson dans ‘L’entreprise créative’, les trois quarts des percées fondamentales de l’humanité n’étaient pas programmées.

Pendant longtemps l’innovation participative a été gérée dans les organisations de manière « passive », par exemple en mettant à disposition une boîte à idées. A partir des années 90 l’innovation participative est devenue de plus en plus impulsée, à l’instar de Renault qui, avec Antoine Héron, a recueilli des idées dans toutes les usines du monde entier.

Il y a en général un manque de dialogue entre les savoirs ingénieurs qui ont une vision complexe, à long terme et les savoirs ouvriers qui ont une vision plus immédiate, et l’audace d’agir.
Les ingénieurs ont tendance à dire « étudions d’abord, attaquons nous à la cause, mais il n’est pas possible de supprimer le défaut tout de suite ».

C’est bien pourtant ce qu’il est possible de faire en recueillant les idées du terrain, les idées qu’Antoine appelle « les idées peanuts » :

  • des solutions systémiques
  • des idées simples
  • à moindre coût
  • qui souvent se trouvent dans les petits détails
  • rapides à mettre en œuvre
  • et qui sont en même temps des innovations très puissantes permettant d’améliorer la qualité de vie, de rendre le travail plus facile, plus simple.

Pour libérer toutes ces idées, il est nécessaire de pouvoir passer de l’idée à l’action et à la reconnaissance de l’action. Hors il n’y a pas toujours une reconnaissance de l’inventeur de la solution. Un moyen possible est de mesurer et reconnaître les idées « inattendues » en fonction de l’économie réalisée.

De pair avec la reconnaissance, le plus important reste la confiance envers l’autre et le regard posé sur ce qu’il peut apporter.

Vers l’innovation citoyenne

L’innovation citoyenne est au service du développement durable pour répondre aux nouveaux défis sur les plans des ressources planétaires, de la préservation de la biosphère et de la nécessaire réduction des fractures sociales. Elle touche à la fois :

  • l’entreprenariat social et solidaire appuyé par des réseaux qui se sont créés comme Ashoka.
  • les citoyens eux-mêmes en s’appuyant sur leur potentiel créatif et qui sont de plus en plus conscients des enjeux. Ce peuvent être les mêmes, puisque tout salarié est aussi un citoyen.

L’innovation citoyenne est une innovation qui a du sens, elle est au service du bien commun.
Elle vise à apporter des réponses aux problèmes majeurs (mieux vivre, apprendre à lire, la santé …) à travers, comme pour l’innovation participative, des solutions simples, rapides, pas chères, efficaces et puissantes.

L’exemple de Nutriset en est une bonne illustration : Nutriset a mis au point une pâte d’arachide pour lutter contre la malnutrition et qui a pour avantage de se conserver, être ultra simple à utiliser et de pouvoir être consommée même par des enfants en état de grande faiblesse. Nutriset développe des filières de productions et de distribution locales.

Pour contribuer à ces enjeux Antoine Héron a créé l’association ICDD, Innovation Citoyenne et Développement Durable qui a pour actions :

  • de connecter des experts en innovation, développement durable, des organisations d’entreprise, des spécialistes de la transition, des acteurs de terrain dans les territoires, dans les entreprises…
  • d’organiser des conférences et les Rencontres de l’Innovation Citoyenne (voir ci-dessous )
  • de faire une veille,
  • de faire des visites sur le terrain,
  • de promouvoir des méthodes d’innovation citoyenne,…

Des évènements sur l’Innovation Citoyenne

  • Les Rencontres de l’Innovation Citoyenne réunissent  des entrepreneurs et des responsables de territoires engagés dans des processus de transition profonde, ainsi que des citoyens « pionniers qui changent le monde ». https://www.icdd.fr
  • d’autres évènements : LH forum du Havre pour une économie, World Forum de Lille, Entrepreneurs d’Avenir, salon Produrable

Quelques réseaux

  • Shamengo qui promeut les 1000 pionniers qui changent de monde
  • Le Rassemblement des Citoyens (Corine Lepage)
  • Le Mouvement Colibris (Pierre Rabhi)

Des médias

Des méthodes pour l’Innovation citoyenne et durable

  • une méthode simple et pourtant efficace : le retour au bon sens
  • le Kaizen (améliorations par les « petits pas »)
  • l’économie circulaire qui inscrit les biens et services dans un cycle fermé de production et d’usage et qui vise notamment à transformer les déchets en matières qui font partie du cycle (principe du Cradle to Cradle)
  • le biomimétisme qui s’inspire des modèles du vivant : en suivant les principes eux même du vivant pour innover d’une manière durable et citoyenne (s’inspirer uniquement de la « forme » du vivant ne suffit pas)
  • l’approche de l’Economie Bleue de Gunter Pauli qui montre justement les technologies et innovations inspirées de la nature pour servir les besoins essentiels des hommes
  • les nouveaux modèles d’innovation des pays du Sud , comme l’innovation frugale, le Jugaad ou la Grass Roots innovation

Comment peut-on impulser l’Innovation Citoyenne ?

Des idées co-construites par tous les participants à la conférence :

Être relai, un pollinisateur

  • se mettre en veille sur les différentes réseaux et sources possibles
  • chacun devient relais de ces initiatives, passeur pour montrer le chemin
  • en informant et relayant sur ses propres réseaux,
  • créer une bourse de relais d’exemples, de cas d’innovations citoyenne, durables
  • Movilab ( fondé par Thanh Nghiem qui a rédigé le livre dont nous vous avions déjà parlé « Des abeilles et des hommes »), Newmanity, Imagination for people, les AMAP, Les cafés suspendus (payer un café à l’avance pour des sans abris), l’Arrondi (donner « l’arrondi » à une association lors de ses courses ou sur sa paye)
  • être relai dans sa sphère professionnelle, par exemple lors de formation, d’intervention
  • inciter à une vision plus holistique des champs de positionnement et d’action de chacun: moi, dans mon organisation, mon entreprise, dans la société

Susciter des regards inter-générationnels

  • comme envoyer des retraités dans des écoles ou auprès d’étudiants
  • recueillir les « recettes de bon sens des grands mères  » de l’innovation responsable et solidaire

Démultiplier les points de collectes des initiatives citoyennes

  • par exemple des boîtes à idées dans les mairies

Imaginer les « gestes citoyens »

  • de la même manière que chacun fait des « éco gestes » (fermer le robinet,…)

Oser

  • Impulser via son attitude : « dire bonjour, c’est simple! »
  • par exemple oser un engagement comme les congés solidaires