De l’économie comportementale à la créativité douce, quel est le lien ? Le nudging. Cette approche faite d’incitations douces, simples, facilement réalisables et peu couteuses pour inspirer au changement présente des pistes de réflexion intéressantes pour la créativité.
De l’économie comportementale au nudging
L’économie comportementale étudie le comportement de l’être humain en questionnant ses motivations complexes ou paradoxales. Qu’est-ce qui, par exemple, explique les réticences à l’égard d’un changement de comportement que nous savons pourtant bon pour nous…? Si cette approche s’intéresse aux contradictions et paradoxes de l’être humain, c’est avant tout parce qu’elle pose le postulat que celui-ci est un ‘animal économique’ soumis à des influences de différentes sortes : sociales, individuelles et contextuelles. En ce sens, l’économie comportementale fait fi de l’être humain ‘idéal’ pris en considération dans l’économie dite ‘classique’. L’enjeu ? Intégrer nos imperfections pour enfin les prendre en considération dans les explications de nos comportements.
Le père de l’économie comportementale s’appelle Daniel Kahneman. Il a reçu prix Nobel en 1992 pour ses travaux pionniers en ce domaine et a contribué à la diffusion et au rayonnement de l’économie comportementale. (Interview de Daniel Kahneman, en anglais)
D’autres noms, au nombre desquels Richard Thaler et Cass Sunstein, ont apporté leur importante pierre à l’édifice. L’ouvrage de ces derniers, Nudge, la méthode douce pour inspirer les bonnes décisions paru en 2008, en est un jalon majeur permettant d’aller au delà du diagnostic sur les motifs de nos comportements. Rebondissant sur les enseignements de l’économie comportementale et des facteurs d’influence mis à jour par celle-ci, Thaler et Sunstein y développent la ‘nudge theory’ : des solutions simples répondant aux défauts de l’être humain.
Le nudging : le premier pas vers une innovation en douceur
L’idée sous jacente est de changer l’architecture/mise en scène du choix, (c’est-à-dire le contexte dans lequel la décision est prise ou le comportement effectué) pour inciter à accomplir un autre choix ou adopter un nouveau comportement.
Les ‘nudges’, – dont la signification anglaise signifie littéralement ‘coup de pouce’ – sont des ‘incitations douces’ visant à aider l’individu à faire les bons choix dans des situations, où, soumis à diverses influences (automatismes de pensées / habitudes, inertie, poids de la norme, mimétisme, peur de la perte, manière dont l’information est présentée…) il ne choisit peut être pas la branche de l’alternative la plus judicieuse.
Concrètement, le nudging est particulièrement utilisé par les Pouvoirs Publics pour orienter ‘en douceur’ l’individu ou l’usager à changer de comportement en faveur d’un nouveau plus souhaitable ou bénéfique pour lui, c’est à dire à faire un autre choix que celui qu’il ferait sous l’influence directe de l’impulsion ou de ses imperfections.
Bien sûr, des questions émergent sur la légitimité et le pouvoir de décision : qui peut décider de ce qui est bon ou non pour un individu ? Pour y répondre, l’approche nudge se définit comme un « paternalisme libertarien » : un paternalisme non intrusif et bienveillant ou l’individu ‘garde la main’. Car l’approche nudging est tout sauf contraignante : l’individu garde son libre arbitre et reste le décisionnaire du choix final.
Les domaines d’applications sont multiples : sécurité routière, santé publique, administration….
Les administrations Barack Obama aux US, et l’administration Cameron au UK ont ainsi créé des unités dédiées à ce type d’approche visant à trouver des ‘incitations douces’ efficaces, simples à mettre en place et peu – voire pas – couteuses. Dans la perspective de l’économie comportementale, les expériences mises en place sont testées et les résultats mesurés pour évaluer leur impact réel sur le changements de comportements. Thaler et Sustein développent dans leur livre des exemples précis.
L’intérêt de cette approche tient à la fois à sa praticité et facilité d’implémentation ainsi qu‘au fait qu’elle constitue une véritable ‘aide et incitation au changement’ dans tous les domaines visés. Vous souhaitez perdre du poids, faire plus d’exercice ou vous lancer dans un projet mais n’en n’avez pas l’énergie ou repoussez le premier pas depuis longtemps ? Pourquoi ne pas créer vos propres nudges pour vous mettre en mouvement ?
Concrètement, si les ‘nudges’ sont des idées faciles à mettre en place, très peu – voire pas du tout -couteuses’, elles visent à toucher le plus grand nombre d’individus et à avoir des effets à longs termes. En guise d’exemple, voici une application évoquée par Thaler et Sustein en matière de sécurité routière réalisée aux Etats-Unis : Dans un virage très dangereux ont été posées au sol des bandes blanches dont l’écartement est de plus en plus étroit au fur et à mesure que l’on approche du virage. Cela donne une impression de vitesse accrue aux automobilistes. Ceux-ci réduisent ainsi spontanément leur vitesse à l’approche du virage et au final le taux d’accident a baissé de manière significative.
En proposant une aide au changement, des petites innovations facilement implémentables et peu couteuses, le nudging ouvre le champ d’une créativité et d’une innovation douce.