Arthur Koestler. « Le cri d’Archimède ». Les belles lettres. Réédition 2013

L ’auteur du livre « Le cri d’Archimède » est également l’auteur de plusieurs dizaines d’ouvrages romanesques ou sociologiques. Aventurier, écrivain, il ne fait pas partie du sérail des chercheurs officiels en psychologie, ce qui explique peut-être que l’on en parle moins à certaines tribunes universitaires. Pourtant il fait partie de ceux qui ont eu l’intuition la plus géniale concernant le processus créatif, qu’il appelle « la bissociation » et dont il fait une démonstration éblouissante. A côté de Sid Parnes et de William Gordon il fait partie pour moi des trois penseurs les plus importants de la créativité. Mes premières années en créativité ont été irriguées par ses réflexions et son concept de « bissociation » a inspiré les techniques de « croisement » forcé qui se situent au cœur de notre pratique actuelle de la créativité.(Voir sa biographie détaillée en fin d’article).« Il y a deux manières d’échapper aux routines plus ou moins automatiques de la pensée et du comportement, écrit Koestler. La première consiste à plonger dans le rêve où s’abolissent les règles de la raison. L’autre est aussi une évasion c’est, dans une direction opposée, l’éclair spontané de l’intuition qui brusquement révèle dans une lumière insoupçonnée».Mais au lieu de se contenter de nommer cette « intuition » et de la laisser dans le vague et le flou des concepts mystérieux, Koestler s’est passionné pour éclairer le mécanisme de l’invention dont il a cherché à comprendre les ressorts.Il a publié ses réflexions dans le livre fondateur « The act of creation », dont malheureusement seule une partie a été traduite en français sous le titre de : « Le cri d’Archimède ». Recherche théorique approfondie, qui s’appuie notamment sur les mécanismes de la pensée animale décrits par Köhler.Pourquoi « le cri d’Archimède » ? Parce qu’il symbolise1 l’orgueil joyeux de l’inventeur, ou du poète, ou du clown, ou de l’enfant qui vient de résoudre un rébus. Mais surtout parce qu’il symbolise le lien entre deux systèmes de référence dissociés qui vont être réunis dans l’acte créateur : eurêka ! De l’humour à la création.

La création est une bissociation.

Qu’est-ce que créer ? Y a t-il un lien entre la création littéraire et la découverte scientifique ? Entre celles-ci et l’inspiration comique ?
Koestler va chercher à comprendre ce lien qu’il découvre dans ce qu’il appelle le processus « bissociatif », mot qu’il forge pour le distinguer nettement des processus associatifs décrits par la psychologie classique. A l’inverse de la mécanique associationniste, la création naît de la rencontre conflictuelle entre des systèmes de référence jusqu’alors séparés. La « bissociation », comme il le montre, est le processus générique de toute création et notamment de toute production d’idées.

« Si je forge ce mot, « bissociation », écrit-il c’est afin de distinguer entre le raisonnement routinier qui s’exerce pour ainsi dire sur un seul plan et l’acte créateur qui opère toujours sur plusieurs plans. Dans le premier cas, la pensée irait dans une seule direction, dans le second il s’agirait d’un état transitoire d’équilibre instable, partagé entre deux directions, le déséquilibre affectant à la fois l’émotion et la pensée ».

Koestler commence son livre par une analyse fine du processus de l’humour. Comment naît le rire, quelle est la logique du rire ? De la rencontre de deux systèmes de référence sans liens apparents2.
Puis il passe « de l’humour à la découverte » proposant une analogie entre la démarche de l’humour et celle de la création. S’appuyant sur les recherches de Köhler sur les chimpanzés, il montre qu’au niveau le plus élémentaire, chez les animaux, la création survient lorsque l’on fait se croiser deux « matrices » hétérogènes. Par exemple le chimpanzé observé par Köhler, enfermé dans une cage dans laquelle se trouve un arbuste, alors qu’un fruit convoité se trouve à l’extérieur hors d’atteinte. A un moment donné, le singe a « l’idée » de casser une branche et de s’en servir comme outil pour attraper le fruit. S’il avait parlé grec, écrit Koestler, il aurait assurément crié eurêka. Avant de casser la branche, commente-t-il, il a sans doute existé un moment où il l’a vue comme faisant partie d’un arbre, sans lien avec le fruit, puis soudain il l’a brisée pour la transformer en outil prolongement de son bras. Dans l’acte créatif, il faut briser les structures d’une l’organisation mentale3 avant d’en agencer une nouvelle. Pour illustrer cette idée Koestler prend l’exemple symbolique d’Archimède.

Il devait trouver le volume d’une couronne à la demande d’un tyran qui voulait vérifier qu’elle était bien en or. Sa vie était en jeu. Le calcul d’un ornement compliqué de figures était impossible : situation bloquée. Un jour en se mettant au bain, il observe distraitement le niveau de l’eau montant peu à peu dans le bassin : dans un éclair il lui vient à l’esprit que le volume d’eau déplacé était égal au volume de l’objet immergé. La tension créatrice résultant de la situation bloquée avait maintenu le problème à l’ordre du jour dans son esprit, la matrice des associations liées, d’une part aux systèmes habituels de mesure, et d’autre part la matrice des associations liées à l’eau du bain entrent en collision, et : eurêka !

Poursuivant sa réflexion sur la démarche bissociative, Koestler multiple les exemples ;
Le moine Gutenberg, voulait reproduire la Bible. Il observe le poinçon qui sert pour les pièces, le sceau que l’on appose sur des manuscrits… Il essaye ça et là, écrit Koestler, son imagination vagabonde, c’est la période d’incubation. Puis il raconte : « j’ai pris part aux vendanges, j’ai regardé couler le vin et j’ai repensé à la force de la presse ». A cet instant il lui vient à l’esprit que la même pression constante pourrait être appliquée par un sceau, de préférence en plomb et que grâce à cette pression, le plomb laisserait une trace sur le papier. Le rayon de lumière, ce fut la bissociation du pressoir et du sceau qui combinés deviennent presse à copier. Le pressoir sort de son contexte comme la branche du chimpanzé.

Kepler, avait commencé sa carrière comme étudiant en théologie et il explique que toute sa théorie héliocentrique a été inspirée par un « croisement » entre la physique et la théologie. « Le soleil au milieu des astres mouvants, lui-même en repos et pourtant source du mouvement porte l’image de Dieu le Père. Il distribue sa force à travers un médium qui contient les corps mouvants de même que le Père crée à travers l’Esprit Saint » Kepler substitua à une horloge fictive dotée d’engrenages à laquelle on croyait jusqu’alors, un univers de corps tournant librement dans l’espace mus par des forces extérieures.

Pour Darwin, l’équivalent du « bâton » du singe fut l’essai de Malthus sur « Le principe de la population ». Dans ce livre qu’il lisait « pour s’amuser », il aperçut dans un éclair le « sélectionneur naturel », l’agent de l’évolution qu’il a détaché de son contexte démographique pour le croiser avec le thème des espèces naturelles. «Comme il naît dans chaque espèce beaucoup plus d’individus qu’il n’en peut survivre, la lutte pour l’existence revient fréquemment…il s’ensuit que tout individu qui varie, même très légèrement d’une manière qui lui est profitable aura plus de chances de survivre, il sera ainsi sélectionné naturellement ».

Wallace et Darwin défendait les mêmes idées, note Koestler. Le même processus bissociatif fut déclenché pour Darwin par la lecture de Malthus et pour Wallace par le souvenir de Malthus surgissant dans un accès de fièvre.
« Le cas du chimpanzé n’est guère différent de celui d’Archimède, conclut Koestler. Une fois épuisées toutes les tentatives pour résoudre le problème par les méthodes traditionnelles, la pensée tourne en rond comme un rat en cage. La matrice de comportement raisonné paraît tomber en morceaux, c’est le temps des essais désordonnés, à l’aveuglette, des crises de nerfs et des attaques de désespoir… toute la personnalité, jusqu’aux couches inconscientes est saturée par le problème de sorte que celui-ci demeure présent même si l’attention est occupée ailleurs, par exemple à regarder un arbre ou à observer la montée de l’eau du bain… c’est alors que le hasard ou l’intuition assurent le contact avec une matrice toute différente, laquelle appuie « verticalement » pour ainsi dire, sur le problème bloqué dans son vieux contexte horizontal et les deux matrices antérieurement séparées se fondent en une seule ».

« L’acte créateur ne crée pas à partir de rien : il mélange, combine des faits, des idées, des techniques qui existaient déjà. Hadamard fait remarquer que le verbe cogito a pour sens primitif « agiter ensemble » ; St Augustin l’avait déjà dit en observant que intelligo, de son côté, signifie à l’origine, « choisir entre ».

Le rôle de l’inconscient

Koestler consacre une part importante de son essai au rôle de l’inconscient en décrivant les différents niveaux de profondeur qu’il est possible d’atteindre et de mettre en jeu.
Le niveau le plus simple est celui de « l‘antichambre » décrit par Galton :

« Lorsque je travaille à résoudre un problème, le processus me paraît être le suivant : les idées qui se trouvent à un moment dans ma pleine conscience semblent attirer d’elles-mêmes les idées les plus appropriées parmi celle qui sont à portée de la main sans être tout à fait dans mon rayon de conscience. Il semble qu’il y ait dans l’esprit une salle de réception où la pleine conscience donne audience à deux ou trois idées en même temps et une antichambre pleine d’idées plus ou moins apparentées et situées immédiatement hors de vue de la conscience. C’est de cette antichambre que les idées les plus étroitement apparentées à celles de la salle de réception semblent être invitées de façon mécaniquement logique à prendre leur tour d’audience ».

Mais Galton, bon disciple de l’école associationniste, note Koestler, ne sut pas voir que l’association est toujours gouvernée par une règle du jeu, par un code, dont le sujet n’a pas conscience. Ainsi l’analogie de l’antichambre ne nous avance guère et à l’inverse nous montre les pièges de l’explication mécaniste…

«Tout raisonnement, apparemment en pleine banalité, baigne dans des processus inconscients.Les règles qui gouvernent l’exploration mentale proviennent des expériences passées, elles sont les résultats des acquisitions comprimées dans des codes opérationnels »…

« Dans la pensée banale nous scrutons à la périphérie du conscient ; dans la pensée créatrice nous scrutons les profondeurs apparemment sans guide.
Il doit y avoir un guide inconscient cependant … sauf à considérer que toute invention ne soit due au hasard des touches qu’enfonce patiemment le singe dactylographe ».

Comment s’organisent les combinaisons ?

Koestler se réfère à la description faite par Poincaré dans laquelle il compare les idées à « des atomes crochus » accrochés au mur : « après une période de travail inconscient, ils se sont détachés du mur et mis en mouvement…leurs chocs mutuels peuvent produire des combinaisons nouvelles » qui se regroupent en ayant pour critère « la sensibilité esthétique » du créateur ».

Il est très remarquable, note Koestler, que Poincaré refusa d’admettre que cet inconscient puisse avoir quelque supériorité sur le moi conscient ; il le relégua au sous-sol dans le rôle de mélangeur automatique. En dépit de sa lucidité, il ne pouvait échapper à la mentalité rationaliste du XIXème siècle.

« S’il fallait suivre l’hypothèse de Poincaré, ironise Koestler, on arriverait à conclure que le poète a une conscience douée de sensibilité esthétique et un inconscient doté d’une machine à rimer ».
Ce procédé ne paraît ni économique ni inspiré, conclut Koestler, qui l’oppose à la mise en jeu de l’inconscient considéré comme système organisateur, ainsi qu’on l’observe dans les situations proches du rêve.

Il donne l’exemple à ce sujet de la composition du poème Kubla Khan par Coleridge qui s’est produite pendant une phase de demi-sommeil, de même qu’il cite l’exemple de Kekulé qui pendant un moment de rêverie se mit à voir en hallucination des images qui donnèrent naissance à la théorie de la constitution moléculaire, ou celui de Faraday qui avait des « visions » avant d’inventer la dynamo, etc.

L’inconscient joue un rôle d’orientation mettant en jeu des structures qui fonctionnent clandestinement parce qu’ils régissent un mode de pensée archéologique.
Cette activité inconsciente crée un état de réceptivité qui prépare l’esprit à bondir sur les chances favorables pour trouver les bonnes combinaisons

La recherche de la « combinaison » qui va permettre « d’ouvrir la serrure » du problème procède sur plusieurs plans et met en jeu des processus à diverses profondeurs.

« Le rêveur bissocie constamment, il passe sans cesse d’une matrice à l’autre sans s’en rendre compte ; le créateur, à la différence du dormeur, fait alterner deux niveaux différents…chaque trouvaille dissocie deux matrices soit en même temps soit en rapide succession il mélange à la fois des images « imaginaires » et des concepts proches de la réalité…il navigue sur plusieurs niveaux de la conscience, c’est « un plongeur des profondeurs muni d’un tube respiratoire ». C’est pourquoi la terre la plus fertile pour l’invention est la zone intermédiaire entre le conscient et l’inconscient, par exemple « la région frontière entre le sommeil et le réveil où les matrices de la pensée disciplinée opèrent sans avoir eu le temps de durcir assez pour gêner la fluidité onirique de l’imagination ».

La pensée par images

La pensée par images, note Koestler domine les manifestations de l’inconscient : rêves, rêveries, visions. Nous ajouterions volontiers à cette liste les rêves éveillés, les identifications et les techniques de dessins abstraits réalisés intuitivement que nous pratiquons durant nos séminaires.

« L’illogisme et l’apparente naïveté des associations visuelles se révèlent très précieuses pour former des combinaisons nouvelles à partir de contextes qui semblaient incompatibles »

«La pensée par images est plus primitive que la pensée conceptuelle…le langage du primitif et de l’enfant sont comparables au « déroulement d’un livre d’images ». Le créateur qui retourne au mode de pensée pictural accomplit une régression à un niveau ancien, un niveau inférieur de la hiérarchie mentale, de même que le dormeur en rêvant et le malade mental en retombant dans l’imagerie infantile ...« la phrase clé du créateur c’est : j’ai une image ».

Cette valorisation de la pensée par images, s’accompagne par contraste de la dévalorisation du langage. Certes le langage est la plus noble possession de l’homo sapiens, toutefois, comme dit Einstein :
« Je ne crois pas que les mots du langage écrits ou parlés jouent le moindre rôle dans le mécanisme de ma pensée…les entités physiques qui paraissent servir d’éléments dans la pensée sont certains signes et images plus ou moins clairs qui peuvent se reproduire et se combiner volontairement ».

Nous avons tous été élevés à croire que « pensée » est synonyme de « pensée verbale » comme les philosophes n’ont cessé de l’affirmer depuis l’Antiquité. Mais tout prouve au contraire la justesse du mot de Woodworth : « il faut s’écarter du langage pour penser clairement ».

L’un après l’autre, de grands savants sont venus témoigner que pour créer ils devaient parfois reculer du langage à l’image, du symbole verbal au symbole visuel voire, comme Einstein, à la cénesthésie et aux sensations musculaires ». « Les mots, conclut Koestler, sont des outils essentiels pour formuler et pour communiquer les pensées, pour les emmagasiner en mémoire ; malheureusement pour créer, les mots peuvent devenir pièges, appeaux ou camisoles de force ».

Les analogies ne créent pas les découvertes

Koestler aborde également une réflexion intéressante sur le rôle du mécanisme analogique, considéré par certains comme le mécanisme clé de la créativité.
« Pour certains auteurs, l’acte créateur se ramène entièrement à l’exhumation d’analogies cachées. Mais où se cachent les ressemblances ? Comment les trouve-t-on ? », demande Koestler.

« Dans les découvertes, le point essentiel est de voir une analogie là où nul n’en voyait auparavant. L’homme de science essaye diverses matrices en tâchant de trouver la bonne … Dans les découvertes originales il n’y a pas de matrices préfabriquées, on ne se sauve qu’en trouvant une matrice prise dans un domaine différent »

Certes le processus analogique qui précède la trouvaille consiste à raisonner sur un cas parallèle, mais ce qui compte réellement c’est la décision consistant à trouver la bonne analogie, à voir que la presse des vendangeurs est semblable à une pression sur un sceau, que le St Esprit est semblable à la gravitation, etc.

« Nous sommes ici plus proche d’une image poétique que d’une production logique ».
« L’essence de la découverte réside dans cet invraisemblable mariage des thèmes de références sans liaisons antérieures et l’entremetteur est en définitive l’inconscient, la tendance à créer des analogies insolites car l’inconscient des esprits créatifs pullule d’analogies en voie d’éclosion, de nébuleuses de l’inconnu ».

En résumé, ce ne sont pas les analogies qui créent les découvertes. C’est l’aptitude de l’esprit à multiplier les croisements entre diverses matrices analogiques, rationnelles ou inconscientes, à « voir » des analogies là où personne ne peut les voir et à faire émerger, parmi des milliers d’analogies potentielles, les analogies fertiles.

En résumé

La minute de vérité, l’apparition soudaine d’une idée neuve est un acte d’intuition. On croît que les intuitions sont des étincelles miraculeuses ou des courts-circuits de la raison. Mais elles sont comparables, en fait, à une chaîne immergée dont seules les deux extrémités sont visibles à la surface de la conscience. Le plongeur s’enfonce à un bout de la chaîne et remonte à l’autre bout, (on pourrait dire qu’il émerge) guidé par « d’invisibles maillons« 

Guy Aznar

Notes

1) C’est effectivement au nouveau du symbole qu’il faut prendre la légende d’Archimède sortant tout nu de sa baignoire en criant Eurêka. Certains auteurs ont ironisé sur le fait que cet évènement, historiquement, ne s’était jamais produit. C’est probable, mais peu importe, c’est le symbole qui nous intéresse. 

2) Par exemple : « un condamné jouait aux cartes avec ses gardiens. S’apercevant qu’il triche, ils le chassent de la prison ». Deux règles («pour punir les criminels on les enferme », « pour punir les tricheurs on les chasse ») se heurtent à un moment donné.
3) C’est ce que nous appelons « casser le problème », une technique de créativité.

Biographie de Arthur Koestler

Arthur Koestler naît dans une famille hongroise juive ashkénaze et de langue allemande. Il est le fils d’Henrik Koestler, un industriel et inventeur prospère dont le grand succès commercial avait été le « savon de santé », dans lequel les graisses animales, difficiles à trouver durant la Première Guerre mondiale étaient remplacées par des substances minérales faiblement radioactives. On pensait en effet à cette époque que la radioactivité avait des vertus curatives. Entre 1922 et 1926, Arthur Koestler étudie l’ingénierie à l’école polytechnique de Vienne.

Arthur Koestler étudie en même temps la philosophie et la littérature à l’université de Vienne. Il fait partie de l’une des associations d’étudiants juifs, Unitas, et s’y familiarise avec le judaïsme. Il fait la connaissance de Vladimir Jabotinsky et adhère à la cause sioniste révisionniste qui veut créer en Palestine un État juif moderne et démocratique. Koestler devient le plus jeune président des associations d’étudiants sionistes et le cofondateur du Betar (mouvement de jeunesse sioniste révisionniste). Parallèlement à ses études, il fouille la psychanalyse, lisant Freud aussi bien que les écoles dissidentes, Jung, Adler, Steckel.

Le 1er avril 1926, il abandonne ses études et part en Palestine comme simple khaluts (pionnier ou ouvrier agricole dans une kvutsa, communauté plus petite que le kibboutz). Son expérience ne dure pas longtemps, son livre La Tour d’Ezra, s’en inspire. Il part pour Haïfa, où avec Abram Wienshall il crée Zafon (hebdomadaire en hébreu, ainsi que Sehutenu [Notre droit], qui est la ligue des droits civiques, fournissant une assistance judiciaire aux juifs). Il entre au Parti communiste allemand en 1931 et en sort en 1938, suite aux procès de Moscou. Il fait plusieurs séjours en Union soviétique durant cette période.

Couvrant la guerre d’Espagne, il y est condamné à mort par les franquistes, mais est échangé quelque temps plus tard contre un prisonnier espagnol par le gouvernement britannique. De cet épisode naît le livre Un Testament espagnol. Durant la « drôle de guerre », il est interné au camp du Vernet par les autorités françaises. Il s’engage dans la Légion étrangère, change d’identité, quitte les rangs de la Légion sans autorisation et rejoint Londres. Le livre autobiographique La Lie de la terre est entièrement consacré à cette période française. En 1940, il publie Darkness at noon, traduit en 1945 sous le titre Le Zéro et l’Infini. Ce texte lui vaut beaucoup d’inimitiés parmi les intellectuels français de gauche (Simone de Beauvoir en particulier). Francine Bloch figure parmi les très rares journalistes sympathisants communistes qui prennent la défense de l’œuvre et de l’homme.

Dans les débuts de la guerre froide, Arthur Koestler sert la propagande anticommuniste menée par les services de renseignements britanniques. Il est l’un des plus importants conseillers de l’Information Research Department lors de sa mise en place en 1948 et milite

au sein du Congrès pour la liberté de la culture. Arthur Koestler est fait officier de l’ordre de l’Empire britannique (OBE) en 1972.

En 1976, à la recherche de ses origines, il écrit La Treizième Tribu, premier ouvrage qui conteste la thèse de l’expulsion des Juifs de Palestine par les Romains, qui avance l’idée d’une conversion massive de non juifs par des prédicateurs juifs, en Europe de l’Est (royaume khazar) et en Afrique du nord (Kabylie). Les idées de Koestler seront reprises trente ans plus tard par l’historien israélien Shlomo Sand dans Comment le peuple juif fut inventé.

Il s’intéresse à la parapsychologie dès les années 1950, et devient membre de la Society for Psychical Research. Cette préoccupation se reflète dans ses ouvrages L’Étreinte du crapaud (1971), Les Racines du hasard (1972) et dans le roman Les Call-girls (1972). Il a fait un legs à l’université d’Édimbourg pour la fondation d’une unité de recherche dans ce domaine.

En 1979, il fait partie du comité d’honneur de la Nouvelle École, liée à la Nouvelle Droite. Atteint de la maladie de Parkinson et de leucémie, il met fin à ses jours par absorption de médicaments en 1983, conjointement avec sa troisième épouse Cynthia. Il défendait depuis longtemps l’euthanasie volontaire et était devenu en 1981 vice-président d’« Exit (en) ». Son testament prévoyait la création de la chaire de parapsychologie de l’université d’Édimbourg, qui fut effectivement inaugurée un an plus tard.

(Biographie, d’après Wikipédia).