Le premier Fab Lab (Fabrication Laboratory) a été monté aux USA, par le MIT – Massachusetts Institute of Technology – .
La Fing, Fondation Internet Nouvelle Génération, est un des acteurs qui ont favorisé le développement des Fab Labs en France. Après avoir participé à la première expérimentation française pour Futur en Seine en 2011, Fabien Eychenne a organisé des voyages d’étude en Europe et aux USA pour faire un tour d’horizon des Fab Labs. Depuis, la Fing continue à soutenir cette nouvelle culture du faire et des «makers» à travers son programme «Refaire».

Qu’est ce qu’un Fab Lab ?

Un Fab Lab est un atelier ouvert dans lequel se trouve des machines à commandes numériques
(machine à découpe laser, fraiseuse numérique, imprimante 3D,…). C’est une plateforme permettant à chacun, à tout « bricoleur », d’y venir pour fabriquer physiquement un objet – qu’il soit ou non intelligent-. On peut y fabriquer des prototypes, des mini – séries ou un objet unique. Des projets très variables voient le jour ; cela peut aller d’un porte clé à un robot…

Le Fab Lab fonctionne sur le principe du « do it your self » ou plutôt « do it with others », car si l’on y arrive seul, on y collabore à plusieurs. On y travaille sur le mode de l’essai erreur.
Au départ, s’y sont lancés des « pros amateurs », ayant un niveau de connaissance proche des professionnels de par leur hobby.

En quoi est – ce un « atelier ouvert » ?

Fab Labs 1 Mars 2013

Le plus important n’est pas les machines mais bien cette dimension d’atelier ouvert ; l’ouverture est l’essence du Fab Lab, et crée des rencontres. Les pratiques du Fab Lab sont, dans le monde physique, très proches des pratiques internet dans leur aspect innovation ouverte. Les Fab Labs sont la partie immergée de l’iceberg de ces nouvelles pratiques.

Au-delà d’une machine et du coté technique, il s’agit de se mettre à collaborer, de créer une communauté qui se retrouve pour partager des projets. Une personne arrive souvent avec un projet personnel, échange, et d’autres personnes se greffent sur son projet.

Aux Pays Bas de nombreux Fab Labs sont quasiment gratuits ; les animateurs demandent en échange aux utilisateurs de documenter et déposer leurs plans pour la communauté, sur le principe de l’open source.
Cette ouverture se fait aussi sur une échelle mondiale. Une grande majorité des Fab Labs suit une charte élaborée par le MIT et se retrouve dans un réseau mondial. Dans un Fab Lab, un écran de vidéoconférence permet d’être en lien avec d’autres Fab Labs dans le monde ; il est par exemple possible de contacter depuis Bordeaux, un Fab Lab à Nairobi et de converser avec LE spécialiste en électronique. Le MIT a également monté la Fab Academy, pour y suivre des cours ; des TD sont réalisés dans les Fab Labs.
Cela devient du glocal : on est là pour résoudre des problèmes locaux tout en s’appuyant sur un réseau ouvert global.

Le mode « essai erreur » que vous évoquez, nous parle aussi en créativité. Comment se traduit-il ?

La formation et l’apprentissage dans les Fab Labs, reposent sur « les mains dans le cambouis ».

J’ai pu l’expérimenter moi-même en tant qu’utilisateur. J’avais dessiné un objet en 3D à faire découper ; j’ai demandé au Fab Manager si cela allait ; il m’a répondu « essaye avec du carton, cela ne coûte pas grand-chose, et tu verras comment cela fonctionne » ; évidement quand je l’ai découpé dans le carton, je me suis rendu compte que cela n’allait pas. Ce qui est… tout à fait normal ! «Allez-y, tentez, continuez et apprenez» ; c’est un apprentissage incrémental et terre à terre.

Il y a un Fab Manager mais qui ne peut pas aider tout le monde ; c’est donc basé sur le partage : une fois que vous vous êtes auto- formé, c’est à vous d’alimenter et d’aider la communauté ; ce n’est pas très académique mais il y a cette notion créative de la formation; on pourrait penser qu’on est à un niveau d’abstraction forte car basé sur des plans numériques, mais à la sortie il y a de l’artisanat, comme dans un atelier.
Il va d’ailleurs y avoir un croisement entre des artisans classiques et les utilisateurs des Fab Labs.
Si chacun peut en effet dessiner une chaise en 3D, entre dessiner et reproduire la chaise elle-même qui doit être stable, il y a un croisement à faire avec le travail d’un menuisier.

Le Fab Lab offre une transdisciplinarité?

Fab Labs 2 Mars 2013

Oui. Aux Pays Bas, j’ai interviewé un jeune de 20 ans sur ses motivations .Il m’a répondu « je suis dans une école de design ; toutes les machines de ce Fab Lab, je les retrouve dans mon école en plus accessibles et plus puissantes ; mais dans mon école, je ne suis qu’avec des designers alors qu’au Fab Lab je croise des architectes, des hackers » (un hacker est un « bricoleur » technologique). Ce croisement des pratiques permet d’aborder les projets différemment ; les amateurs ne montent pas des projets selon les canons classiques de l’innovation ou de l’ingénérie ; ce croisement est au coeur du succès des Fab Labs.

Comment les Fab Labs favorisent-ils la créativité?

L’intérêt est de pouvoir passer assez rapidement de l’idée créative à du prototypage, c’est-à-dire des projets pas toujours bien fini mais qui sont des preuves de concept.

Nous travaillons avec Renault qui monte un Fab Lab interne ; il existe déjà des centres de prototypage rapide dans des entreprises, en général ouverts aux techniciens, ingénieurs, chercheurs. Le Fab Lab de Renault sera ouvert à tous, que vous soyez au département juridique ou marketing. La personne qui travaille sur un projet commence souvent par des sessions créatives puis construit des prototypes avec des ciseaux, du carton, de la pâte à modeler, des Lego; à la fin de ce processus de génération d’idées, on serait capable d’aller au Fab Lab et de les matérialiser, évidemment de manière un peu grossière ; par rapport à une idée juste dessinée, passer de l’idée à la preuve de concept a quelque chose de tangible et beaucoup plus d’impact ; c’est manipulable et peut même être fonctionnel.

Comment se créent les Fab Labs en France?

Il existe une typologie, avec 2 ou 3 types de Fab Labs :

Les Fab Labs de type « bottom up » sont initiés par une communauté d’utilisateurs avec peu d’argent. Le premier Fab Lab à Toulouse part d’une communauté d’utilisateurs de carte Arduino, carte permettant de faire des prototypages électroniques; ils ont mutualisé l’argent pour acheter leur première machine,ont trouvé un lieu. A Nantes, Ping, une association de ressources multi-média vient de faire de même.

Les Fab Labs de type « downtown » ont un financement au départ, mais peu d’utilisateurs, et doivent monter une communauté, la faire grossir. Le grand emprunt a apporté un financement aux CCSTI, Centre de Culture Scientifique Technique et Industrielle ; plusieurs Fab Labs en ont bénéficié, comme la Casemate à Grenoble.
Ente les deux, il existe des Fab Labs mixtes, de financement publics et privés.

Qui en sont les utilisateurs?

Au départ, un public d’avertis : programmateurs, informaticiens, designer, architectes, bricoleurs, hackers.
Cela s’ouvre : le Fac Lab de Genevilliers de l’Université Cercy Pontoise draine un public plus large. Un utilisateur de chez eux est une petite main de chez Hermès à la retraite ; sa passion est de reconstituer des vêtements du 12 siècle ; elle est venue au Fac Lab pour découper des vêtements et maintenant elle travaille avec un jeune sur des vêtements à puces, communicants.

Quel est le modèle économique des Fab Labs?

C’est une des grandes questions : aujourd’hui il y a une balance entre une ouverture aux utilisateurs très peu chère et faire rentrer de l’argent ; des bouts de financement peuvent arriver par des formations faites par les Fabs Managers ; une entreprise peut venir faire un projet confidentiel et louer l’espace ; le Fab Lab peut aussi faire de l’expertise, de l’aide à l’innovation.
Le Fac Lab de Gennevilliers s’est monté sur un financement mixte Université Cergy Pontoise et partenariat avec Orange. Il est ouvert tous les jours, gratuit si on y donne à la communauté ses documents.

Comment vont-ils évoluer?

C’est un mouvement de fond, une explosion avec une quarantaine de Fab Lab ouverts.
Les deux tendances lourdes sont que les Fab Labs vont bénéficier d’un abaissement de la barrière du prix et un développement de la culture du partage.

On note en effet une démocratisation des outils de création et de conception.
Si au début, il fallait un investissement élevé pour les machines de 60 à 70 000 euros, les machines sont maintenant capables de créer des machines numériques et on commence à voir des imprimantes 3D amateurs avec un prix qui a baissé. Les grands acteurs de la conception visent aussi le marché des pro-amateurs : c’est difficile d’exprimer sa créativité si on sait pas utiliser un logiciel 3D ; il existe maintenant des outils sur I pad pour manipuler rapidement des surfaces 3D.

En parallèle, la culture des « makers » se développe avec une diffusion et un partage des pratiques. Comme la consommation collaborative lorsque l’on achète collectivement, ou l’auto-partage, des services apparaissent dans la chaîne de valeur. Les Fab Lab bénéficient de ces nouveaux comportements.

Fab Labs 3 Mars 2013

 

Merci à Fabien Eychenne de la Fing
www.fing.org

 

 

 

Pour en savoir plus sur les Fab Labs

Le rapport publié par Fabien Eychenne http://fing.org/?Tour-d-horizon-des-Fab-Labs
Le site des Fab Labs en France www.fablab.fr/

 

Interview réalisée par Sylvie Sesé, Keyword for change
www.keywordforchange.com