FIAC exposition ‘hors les murs’ du 20 au 23 octobre 2003 au jardin des Tuileries et jardin des Plantes, Paris

Le jardin des tuileries, 23 Octobre 2011, soleil au zénith. Un air automnal, des fragrances de barbe à papa et de chouchous grillés flottent dans l’air. Les rires d’enfants confirment que l’humeur est à la fête. Il suffit d’ailleurs de lever la tête, pour s’en convaincre. Un grand lapin rose gonflable est balloté par le vent. Trônant sur un préfabriqué auquel il est amarré, il invite petits et grands à entrer dans son antre et à venir voir ce qu’il a dans le ventre. Les caprices d’Eole démantibulent son corps et modifient son visage avec malice, le rendant tantôt souriant, tantôt grimaçant.Les plus courageux s’y risquent. Et ce ne sont pas ceux que l’on croit. « C’était tout noir. Mais tu sais, tu aurais pu venir, ça ne faisait pas tant peur que ça, papa » On y revient toujours : il n’y a guère qu’Alice et les enfants pour oser passer derrière le miroir avec insouciance et suivre un lapin agité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Plus loin, c’est la rencontre avec un grand oiseau déplumé.
A croire que toute la ménagerie a atterri aux Tuileries aujourd’hui.

Devant nous, se dresse en effet une aile d’avion perforée de formes
que l’on croirait « matissiennes ».
Elle joue les équilibristes nous montrant qu’à l’impossible nul
n’est tenu, la verticale lui seyant autant que
l’horizontale. Joli pied de nez pour nous rappeler que pour
prendre son envol, il faut déjà apprendre à lever le nez, à regarder plus haut.
A méditer

(Œuvre de Camille Henrot, le prix du danger, 2011)

Pourtant c’est en baissant le regard que se dévoile una misteriosa bola.
Mi-nénuphar métallique, mi-capsule aéronef en suspension,
cette boule à facettes in situ joue avec la réflexion. La notre, celle des
photons qui la bombardent et la font scintiller de mille feux,
comme celle de l’eau du bassin sur laquelle elle lévite. Aux abords,
les jeunes femmes alanguies s’étendent sur les chaises vertes
du jardin et babillent, méditent, cogitent. Flottant sur les eaux du jardin,
cette grosse bille semble aimanter la ronde lente et ritualisée
des visiteurs qui lui tournent autour.

(Œuvre de Antoine Dorotte, una misteriosa bola, 2011)

A quelques mètres, la ruine d’une immense tour de Babel
est tombée sous le poids des années. Le plâtre blanc craquelé rappelle
qu’elle était initialement immaculée. Sa masse pesante barre
le passage et la vue suggérant la fin d’un monde révolu. S’élevant dans le
ciel bleu acier, les avions narguent l’édifice sur lequel le
temps et le progrès ont fait leur ouvrage.

(Œuvre de Adrian villar rojas, Poems for earthlings, 2011)

A cet équilibre perdu, répond une rivière de parpaings en 3 dimensions
défiant les lois de la pesanteur. La pomme ne tombe plus,
Newton est dépassé. Les constructions humaines peuvent désormais voler.
Et oui, les briques bétonnées se mettent à reproduire
le grand 8, que cela soit dans notre imagination, comme dans la réalité.
Edifice impossible, perspective incongrue, mouvement
sans fin. L’œuvre de Maurits Cornelis Escher n’est pas loin. Les objets
usuels reprennent vie, nous soufflent un peu de poésie et
d’absurde pour aiguiser le regard et titiller notre logique en flirtant
avec l’éphémère. Et si les architectures urbaines de demain en
prenaient de la graine ? Et si nos projets puisaient dans cette audace ?

(Œuvre de Vincent Ganivet, rivières, 2005)

Un petit saut dans le temps et l’on bascule dans l’infiniment grand.
Un vulgaire morceau de glaise argileuse malaxée, pétrie par
une main humaine s’impose, comme agrandie sous la baguette magique
de son créateur. La moiteur de la terre est devenue
aluminium , dureté et complexité ; comme pétrifiée dans ce
nouveau médium. Sous la fluidité de la matière, les stries des
empreintes digitales de l’artiste apparaissent, comme des stigmates
du geste créateur.

(Œuvre de Urs fischer, miss satin, 2006-2008)

Changement de paradigme. C’est ensuite à l’infiniment petit qu’il faut
se rendre disponible. Un rocher somme toute banal,
à hauteur d’homme. Encerclé par des badauds penauds, la roche reste
impénétrable et garde son secret. Est-ce une œuvre
ou un artefact habituel du jardin. Chacun s’interroge : où est donc
la trace humaine ? C’est finalement l’innocence du regard
d’une enfant qui dévoile la poésie : « Maman, c’est quoi cette poussière,
là, sur le caillou ? Est-ce que c’est de la poussière d’étoile ?»
Précisément, une petite poussière d’étoile bleu-violet que l’on retrouve
maintenant dans les yeux de la fillette.

(Œuvre de David Nuur, untitled, 1988-2011)

Les cuivres vibrent et réchauffent le soleil automnal dans leur robe vibrante.
Dans un acte libertin, la statue de la liberté nous
donne à voir sous sa jupe déchirée. La liberté démembrée, éparpillée,
et offerte. A charge pour chacun de se rincer l’œil au
passage ou de l’aider à se reconstruire, à se refaire un visage, une dignité….

(Œuvre de Danh Vo, We The People (détail), 2011)